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Dimanche de St Jean Climaque

4ème dimanche du grand carême - Mc IX,17-31 ; Mt IV,25-V,12.

homélie prononcée par père Antoine (Gelineau) le 3 avril 2011 en la chapelle st Basile

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Aujourd’hui l’Église attire notre attention sur St Jean Climaque, parce que ce Père, qui a vécu au 7ème siècle réalisa dans sa vie cet idéal de pénitence et de prière que tous nous devrions avoir sous nos yeux pendant le carême. Ce mot de ‘climaque’ se traduit par ‘échelle’, et il est devenu le qualificatif de Jean qui était l’higoumène du monastère du Sinaï, le fameux monastère Sainte Catherine. Il est mort en 670. En effet il a écrit un livre ascétique célèbre sous le titre de l’échelle du Paradis. Il reprend là l’image de la fameuse échelle de Jacob et sur laquelle montaient et descendaient les anges. Ce grand ouvrage qu’on appelle encore ‘l’échelle sainte’ est devenu très tôt une sorte de ‘best seller’ dans lequel la tradition patristique a vu des étapes, des graduations pour notre purification, notre sanctification. Si l’Eglise nous présente Saint Jean Climaque comme une figure de carême, elle nous rappelle à travers lui que l’ascèse n’a aucun sens ni aucune valeur si elle n’est pas une expression de l’amour. A l’office de Vêpres, la liturgie s’adresse au saint par ces paroles : « C’est pourquoi tu nous conjures : Aimez Dieu et vous vivrez dans une éternelle bienveillance, ne mettez rien en dessus de cet amour ».
Le lien entre Jean Climaque et l’évangile de la guérison de l’enfant épileptique, est la prière ; nous avons une invitation à la prière. En effet, Jésus dit au père : « Si tu peux croire, tout est possible à celui qui croit ». Le père s’écrit, avec les larmes : « Je crois, mais viens en aide à mon incrédulité ».
Nous ne pouvons trouver une meilleure formule pour exprimer en même temps l’existence de notre foi, sa faiblesse et la prière de supplication.
Jésus accepte cette foi et cette prière. Notez qu’elle est accompagnée de larmes. Sommes-nous capables de pleurer avec les mêmes larmes ardentes ? Nous voyons Jésus touché par ces larmes qui traduisent une foi reçue, une foi de pauvre qui n’est pas faite de convictions volontaires mais une foi qui attend tout de Dieu uniquement. Cette foi et cette prière du père de l’épileptique doit être pour nous un modèle. Il y a là la pauvreté et la fragilité.
Et l’évangile se termine par cette question des disciples à Jésus : « mais pourquoi n’avons-nous pas pu faire sortir le démon de cet enfant ? » Et Jésus de répondre : « Il n’y a que la prière pour faire sortir cette espèce là ».
Ici les apôtres ne mesurent pas leur manque de foi et ils oublient la distance qui les sépare de leur maître. C’est à eux que s’adressent les dures paroles de Jésus : « gens sans foi ! Jusque à quand devrai-je vous supporter » ? Que de gens pensent être de grands croyants, alors qu’en réalité leur foi n’a encore rien fait bouger dans leur vie.
Sans doute plusieurs des possédés mentionnés par les évangiles souffraient seulement de maladies mentales et pouvaient être guéris par une force naturelle. Mais ce n’est pas le cas avec ce jeune garçon. Là était la force du mal que seul la prière peut surmonter. Saint Jean Climaque considère la prière comme un degré supérieur de la vie spirituelle, la prière doit alors devenir prière incessante et une étape du silence intérieur, où toute méditation du mystère divin est suspendue, pour que dans l’intellect ainsi immobilisé descende la lumière divine. Pour utiliser encore les expressions de Saint Jean Climaque, la prière est encore la respiration de l’âme, par elle l’âme respire dans l’atmosphère du ciel. Elle est la nourriture de l’âme, par elle l’âme communie à la puissance divine. Après cette belle présentation, on ne peut oublier que la prière est aussi une lutte contre nous-mêmes d’abord. Les pères du désert ne s’y trompait pas, l’un d’entre eux disait : « Si tu veux prier attends toi au combat ». Je préfère cette autre formule qui présente la prière comme une œuvre d’art, on parlera de ‘l’art de la prière’. Car avant de maîtriser un art, il faut beaucoup travailler, défaire, refaire, recommencer. Ne jamais se décourager. L’important dans la prière c’est peut-être tout simplement cela : ‘commencer’. Saint Antoine disait souvent : « Aujourd’hui, je commence !» Formule merveilleuse qui exprime bien que tout ce que nous devons faire pour prier c’est le faire comme si c’était la première fois, avec la même qualité d’attention que la première fois. La prière est toujours à reprendre, nous serons toujours des commençants. Personnellement, je ne sais pas s’il est possible de sortir de l’église en disant : « Ah, aujourd’hui j’ai bien prier. Ah, je me sens bien dans la prière. J’ai fait de belles prières !... »
Dans notre tradition orthodoxe, je me permets de vous rappeler que nous avons cette petite perle précieuse qu’est la prière de Jésus et qui consiste simplement à répéter toujours le même chose : Seigneur Jésus, Fils de Dieu prends pitié de moi, pécheur. C’est une prière très lointaine qui a ses racines dans la bible, que les Pères comme Jean Climaque ont pratiqué, qui est accessible à tous. Elle est simple et nous mets vraiment au cœur du mystère de Dieu… Je ne vais pas ici faire une conférence sur cette prière, mais je veux vous rappeler son importance pendant ce temps du Carême. Car ces simples mots expriment tout l’évangile. Le nom de Jésus, ce nom béni devant qui tout genou doit fléchir (Is 45,23) et quand nous le prononçons, nous attestons l’évènement historique de l’incarnation. Nous le rendons présent. Et nous affirmons que Dieu, le Verbe de Dieu, co-éternel au Père, s’est fait homme, et que la plénitude de la divinité a habité parmi nous corporellement, en sa personne.
« Aie pitié de moi, pécheur », ces mots sont utilisés dans toutes les prières chrétiennes et, dans l’Orthodoxie, ils sont la réponse du peuple à toutes les demandes du diacre ou du prêtre : nos ecténies, ce sont nos ‘Kyrie éleison’.
L’usage de la prière de Jésus est double, c’est un acte d’adoration comme toute prière, et, au niveau ascétique, c’est un objet, un moyen qui nous permet de concentrer notre attention sur la présence de Dieu.
Mgr. Antoine Bloom disait : « c’est une prière de bonne compagnie, amicale, toujours à notre disposition, et très personnelle en dépit de ses répétitions monotones. Dans la joie comme dans la douleur elle est, lorsqu’elle est devenue habituelle, un stimulant de l’âme, la réponse à tout appel de Dieu. Les mots de saint Siméon le Nouveau Théologien, s’appliquent à tous ses effets possibles en nous : « Ne vous souciez pas de ce qui viendra ensuite, vous le découvrirez quand cela viendra. »

Amen !

 

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