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Homélie de Père Antoine pour le 2è dimanche du Grand Carême, de saint Grégoire Palamas, 16 mars 2014 - Marc 2, 1-12
Un jour, je rencontrais Thomas. Il avait 14 ans et n’était pas bien dans sa peau. A l’écouter, il me faisait penser à une belle maison neuve qui serait fissurée en pleine façade.
Il me raconte qu’alors qu’il était en classe de troisième et que ses parents étaient divorcés – il vivait avec sa mère- il ne faisait rien en classe. Sa mère appelle son père pour lui dire : « Ton fils ne fait rien en classe et il va rater son BEPC ». Alors le père de Thomas l’invite à jouer au tennis et lui dit : « Ta mère m’a dit que tu ne fais rien en classe et que tu vas rater ton BEPC. Si tu le réussis, je te paie un beau vélo ». Aussitôt, Thomas s’est mis à travailler et a réussi son BEPC. Tout content, il cherche alors à joindre son père au téléphone mais il n’y arrive pas ; son père est toujours occupé et n’a pas le temps de le recevoir. Alors Thomas décide d’aller au tennis où il est sûr de trouver son père. Il le trouve et lui dit : « Papa, j’ai réussi mon BEPC ». Son père lui répond : « Je le sais, ta mère me l’a déjà dit ». Et Thomas d’ajouter : « Et mon beau vélo ? ». Son père lui répond : « C’était juste pour te faire travailler ». Ce père ne s’est probablement pas rendu compte de ce qu’il a fait en répondant ainsi à son fils. Il a manqué à sa parole. Ainsi il a brisé quelque chose entre eux. ‘Briser la communion’ c’est l’image que l’Eglise emploie pour parler du péché. Elle dit que le péché est un acte, qu’on reconnaîtra comme une faute, qui brise la communion fraternelle, qui la blesse ou qui l’ébrèche.
Ainsi, parler mal de son fils, de sa fille, de sa femme ou de son mari en leur absence ou bien parler mal d’eux, alors qu’ils sont présents et devant des amis, voilà ce qui blesse la communion. Se moquer, faire de l’humour sur les faiblesses des autres sans charité au sujet de leur corps ou de leur intelligence, voilà qui blesse la communion. Ne pas tenir sa parole, s’enfermer Dans le mutisme, voilà ce qui blesse la communion.
La gravité du péché tient à ce qu’il brise la communion. La rupture de communion est souvent indolore pour celui qui la brise ; on s’enfonce dans le mutisme, dans le déni, on s’y habitue. C’est la grâce de Dieu qui nous révèle que tel acte que nous avons posé a provoqué une rupture de communion.
Le jour où Jésus a dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés », Jésus s’est adressé en quelque sorte au papa de Thomas. Un papa à la fois paralysé par son orgueil et consentant à être porté vers Jésus par quatre amis.
Jésus ne lui fait pas la morale, Jésus guérit une blessure cachée, en cet homme et entre cet homme et les autres ; Jésus le remet en communion avec les autres et il le signifie en le libérant de sa paralysie corporelle : « Lève- toi, prends ton brancard et marche ! ».
Qu’est-ce que le sacrement de la Pénitence sinon une telle expérience ? La rencontre entre le paralysé et Jésus nous éclaire sur ce sacrement.
- D’abord, l’homme n’est pas seul. Porté par quatre hommes, il s’approche volontairement de Jésus en exposant devant Jésus sa paralysie et, ce faisant, il accepte de vivre une descente dans la nuit du péché. Cet homme c’est moi dans ma liberté, c’est chacun de nous dans notre liberté ; Les quatre hommes c’est l’Eglise qui me porte et qui se tient devant son Seigneur avec moi.
- Ensuite l’écoute de Jésus qui parle, du profond de la miséricorde de Dieu. Celui qui tient la place du Christ c’est le prêtre ; il est pour moi le Christ qui se fait proche de moi et dont j’entends, corporellement, la parole de pardon: « Je déclare Pierre, Natalia…, libre de tout péché… »
- Enfin, Jésus n’étant plus là, l’homme s’en va pour retrouver les siens. Une autre vie commence, une vie habitée par l’humilité où l’homme ose revenir à la vie ; le papa de Thomas peut regarder son fils et se laisser regarder par lui dans la lumière du pardon, ré-entrant ainsi dans une communion restaurée.
Blesser la communion fraternelle c’est offenser Dieu, c’est rompre la communion avec notre Seigneur. On se demande parfois pourquoi ? C’est très simple : si un père aime son fils et que quelqu’un humilie ce fils, il atteint directement le père de ce fils. Manquer de parole à Thomas, c’est directement atteindre le cœur de Dieu, son Père.
Dans l’Eglise, il y a deux conversions nous dit saint Ambroise de Milan : « l’eau du Baptême et les larmes de la Pénitence. Ces larmes sont un don. Que j’éprouve contrition, honte, douleur ou larmes pour mes péchés, c’est Dieu qui donne la grâce. Pour moi, je n’ai pas à attendre d’avoir le cœur tout brûlant pour m’approcher du sacrement de la conversion. La contrition de ma conscience, même sans émotion particulière, suffit. »
Mes bien-aimés, le carême est ce temps de conversion, de retournement, c’est le temps de la métanoïa.
Abba Poëmen, au désert de Scété disait à ses frères qui lui demandaient : « Qu’est-ce que le repentir de la faute » ? Il disait « c’est ne plus la commettre à l’avenir » il conseillait ensuite : « Si un homme a péché et le nie, en disant : ’je n’ai pas péché’, ne le reprends pas sinon tu le décourages ; mais si tu lui dis : « Ne perds pas courage, frère, mais garde toi à l’avenir », tu réveilles son âme pour la pénitence ».
Père Antoine