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4ème dimanche après la Pentecôte

Homélie de Père Antoine, 6 juillet 2014 en l'église saint Basile et saint Alexis - 4ème dimanche après la Pentecôte, Mt VIII,5-13.

Cet épisode que nous venons d’entendre est également raconté dans les évangiles de Luc et de Jean, mais de manière sensiblement différente, ce qui laisse penser que chacun des évangélistes a souhaité porter l’accent sur tel ou tel point qui lui tient particulièrement à cœur.

Les deux vedettes sont Jésus lui-même et son interlocuteur un officier romain, un centurion, responsable de cent hommes. Le troisième personnage est le serviteur malade, probablement un esclave mais sur lequel nous savons bien peu de choses. Il est paralysé et souffre beaucoup.

De toute évidence, ce centurion romain est un étranger de la religion juive. Mais un étranger qui connaît les interdits de la Loi juive : Il sait que Jésus ne peut rentrer dans sa maison sans devenir impur. C’est pourquoi il va plus loin : alors que les autres malades sont ‘touchés’ par le maître, car pour eux Jésus a le pouvoir d’un guérisseur, le centurion, lui, comprend que Jésus a le pouvoir même de Dieu et qu’il n’a pas besoin d’être près du malade pour le guérir ; il ne lui est pas difficile de donner de loin un ordre à la vie qui s’échappe. Bref, le centurion représente ici, le type d’étranger admis à entrer dans le salut de Dieu. C’est un homme qui attire l’admiration de Jésus par sa grande humilité et sa belle foi.
Son humilité parce qu’il dit à Jésus : « Seigneur, qui suis-je pour que tu viennes sous mon toit ? Dis un mot seulement et mon serviteur sera guéri. Moi-même j’obéis, mais j’ai aussi des soldats sous mes ordres. Quand je dis à l’un : Pars ! Il part. Je dis à l’autre viens ! Et il vient. Je dis à mon serviteur : Fais cela ! Il le fait. »
Son humilité n’en est que plus flagrante, car il ne cherche pas à se prévaloir de ses bonnes actions ; au contraire, toute son insistance porte sur son indignité : « Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. »

Dernier trait de caractère du centurion : sa foi, que Jésus lui-même donnera comme modèle à ses compatriotes : « Je vous le dis, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi ! » Une foi qui reconnaît la force créatrice de la Parole de Dieu agissant en Jésus-Christ : « Dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri… ». Le centurion qui se reconnaît comme un subalterne, c'est-à-dire qui a quelqu’un au dessus de lui, dit l’efficacité de ses propres mots, ses ordres sont immédiatement exécutés ; en même temps, il affirme la royauté de Jésus, sa maîtrise sur les évènements : il reconnaît en lui la Parole créatrice (le logos). Car, seule la Parole de Dieu est créatrice : « Moi, le Seigneur, je parle et j’accomplis », disait Ezéchiel (36, 36). Belle leçon pour les contemporains de Jésus, qui, eux, n’ont pas reconnu en lui le Verbe de Dieu.

C'était vraiment un Romain pas ordinaire : un officier malheureux de voir souffrir un esclave! Et comme c'est le cas souvent pour les hommes au cœur droit, c'est sa charité qui l'a mis sur le chemin de la foi.

Quelle lutte magnifique dans le cœur de cet homme : il veut voir Jésus et il a besoin de lui, mais il se sent indigne, il prend de la distance, comme s'il ne pouvait rencontrer le Sauveur.

Mais cette distance que crée son humilité n'arrêtera pas le pouvoir de Jésus ni son amour. Le centurion le sait, il le croit de toutes ses forces, et il le dit à Jésus "Tu n'as qu'à parler, et la maladie va t'obéir! Dis seulement un mot, et ce sera un ordre de guérison : seulement un mot, et ce sera fait !"

La réponse de Jésus est une merveille de délicatesse.
D'abord il ne fait pas un pas de plus. Il n'ira pas chez ce Romain dont pourtant il admire la foi, justement pour laisser à la foi toute sa grandeur et pour respecter l'humilité du centurion. Et non seulement Jésus n'avance pas vers la maison, mais il ne prononce même pas la parole attendue ; il ne dit même pas : "La foi de cet homme a sauvé le garçon". Jésus n'avance plus; il se retourne plutôt vers la foule, pour lui dire, à elle, ce qu'il aurait aimé dire à cet homme : "Même en Israël je n'ai pas trouvé une telle foi!"

Dans notre communauté paroissiale, Jésus ne trouve pas toujours cette audace dans la foi. Il rencontre souvent en nous des réflexes d'humilité, la certitude que nous ne valons pas son dérangement, mais pas toujours la certitude heureuse, joyeuse, qu'il peut tout faire en nous sans même se déranger, et que pour lui "il n'y a pas de distance"). De là où il est, de la gloire qu'il habite, il peut nous guérir et veut nous sauver. Il lui suffit d'un mot, mais ce mot, que nous n'entendons pas, nous avons à croire qu'il le dit.

Le centurion était certain que Jésus le dirait. Puissions, nous aussi, avoir la même certitude quand nous demandons quelque chose à Dieu.

Il suffit au Seigneur d'une parole, d'une parole créatrice, pour sauver chacun de ceux que nous portons dans le cœur. Mais le malade, c'est nous aussi ; et j’attire votre attention sur les belles prières que le lecteur dit avant la communion. Nous y retrouvons ce même esprit car l'Église, toujours réaliste dans sa liturgie, retourne la parole de Jésus et nous fait dire pour nous-mêmes, comme un acte de foi plein de douceur :
"Dis seulement une parole et je serai guéri!"

 

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