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Dormition de la très Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie

Homélie de Père Antoine, 15 août 2014 - Dormition de la très Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, Lc X,38-42,XI,27-28

Cette péricope de l’évangile nous découvre les deux sœurs de Lazare – Marthe et Marie - qui reçoivent Jésus chez elles. Mais Marthe n’a pas l’air très contente de voir sa sœur au pied de Jésus : elle ne fait rien, elle écoute béatement Jésus pendant qu’elle doit, elle, s’activer aux fourneaux. Aussi s’adresse-t-elle à Jésus : ‘dis-lui de m’aider enfin !’C’est à peu près ces mots-là. Et Jésus semble donner raison à Marie, laissant entendre que le plus important est d’écouter.
Que se passe-t-il vraiment ?
Les deux femmes accueillent Jésus en lui donnant toute leur attention : Marthe pour bien le recevoir, Marie, pour ne rien perdre de sa Parole. On ne peut pas dire que l’une est active et l’autre passive ; toutes deux ne sont occupées que de lui. Dans la première partie du récit, le Seigneur parle. On ne nous dit pas le contenu de son discours : on sait seulement que Marie, dans l’attitude du disciple qui se laisse instruire, boit ses paroles. Tandis que l’on voit Marthe ‘accaparée par les multiples occupations du service’. Le dialogue proprement dit intervient quand Marthe réclame : ‘Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider’.
Remarquons d’abord que Luc n’oppose pas ici deux états de vie : ceux qui travaillent et ceux qui écoutent. Il n’y a pas, d’un côté, les contemplatifs, sorte d’aristocrates de la vie chrétienne, troupes d’élite du Royaume dans lequel ils seraient directement parachutés, et de l’autre, ces pauvres bougres ou ‘tâcherons’, ces besogneux, dont l’Eglise d’ici-bas doit bien user, mais qui seraient condamnés, par suite d’une inaptitude à la contemplation ou de leur tempérament extraverti, à n’être que des bienheureux de deuxième classe, les sans grade de la sainteté.
La réponse de Jésus à Marthe n’est en rien destinée à donner bonne conscience à ceux et celles qui se reconnaissent en Marie. Ce que Luc oppose aux multiples occupations qui accaparent Marthe dans son service, c’est la seule chose nécessaire, indispensable, dont Marie, elle, se soucie : écouter la parole de Jésus pour la garder et la mettre en pratique. C’est cela qui fait le vrai disciple ; le reste est sans importance. (‘Il faut bien que quelqu’un fasse le ménage’), mais cela ne peut jamais nous agiter au point de nous détourner de l’essentiel : Jésus, celui qui nous visite.
Cette réponse de Jésus à Marthe a fait couler beaucoup d’encre :’Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses’. La répétition donne à cette intervention une note de bienveillance affectueuse de la part de Jésus ; ce qu’il reproche, si reproche il y a, ce n’est pas l’ardeur de Marthe à bien le recevoir. Mais c’est ce comportement inquiet qui nécessite une petite mise au point, profitable à tout le monde.
Plus loin dans l’évangile, Jésus se répètera : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. Observez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit. Combien valez-vous plus que les oiseaux ! Et qui d’entre vous peut par son inquiétude prolonger tant soit peu son existence ? Pourquoi vous inquiéter pour tout le reste ? Observez les lis : ils ne filent ni ne tissent et je vous le dis : Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu habille ainsi en plein champ l’herbe qui est là aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, combien plus le fera-t-il pout vous, gens de peu de foi. Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, ne vous tourmentez pas. Tout cela les païens dans le monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner la Royaume » (Lc 12, 22-32).
Bref, le maître mot de notre évangile aujourd’hui est bien là : « Ne vous inquiétez pas ». Auxquels il faut joindre les deux derniers versets où Il y est question de la Mère de Dieu qui est proclamée bienheureuse non pas tant par ce qu’elle a porté Jésus dans son ventre mais parce qu’elle a écouté la parole de Dieu et y a cru. Effectivement Marie a cru aux paroles de l’Ange et tout s’est déroulé comme il avait dit. Ces deux derniers versets qui nous font passer d’une Marie à une autre Marie n’arrivent pas tout à fait comme des cheveux sur la soupe, même s’ils ne sont pas pris dans le même chapitre, mais ils viennent confirmer le sens des paroles de Jésus adressées à Marthe.
La vraie grandeur de la Mère de Dieu car n’oublions pas,, c’est elle que nous célébrons aujourd’hui dans sa Dormition, dans son assomption, réside dans sa foi, qui la fit « concevoir d’abord dans son cœur avant même de concevoir dans son sein ». « Heureuse celle qui a cru… ». Oui, elle a accueilli l’annonce qui lui fut faite par l’Archange Gabriel, mais aussi toute l’aventure qu’elle impliquait. L’acte de foi demandé à Nazareth, Marie dû le renouveler, l’amplifier, l’approfondir toujours davantage, en allant jusqu’au bout : jusqu’à la croix, où Jésus en vint à lui demander de recevoir Jean comme un autre fils.
La conclusion que nous pouvons tirer de cet évangile lue pour la fête de la Mère de Dieu est l’importance une nouvelle fois de la Parole de Dieu. Nous avons un gros effort nous, orthodoxes, pour redécouvrir la vraie place de la Parole de Dieu, de son évangile dans nos vies, dans la Liturgie. Déjà, il est primordial d’être arrivé à l’église le dimanche ou le 15 aôut à l’heure pour écouter l’évangile. Car c’est là que Dieu nous parle à chacun personnellement. Jésus est présent dans sa parole au même titre qu’il est présent dans le pain et le vin de l’eucharistie. C’est à travers sa parole que nous pouvons pleinement communier avec lui et là nous n’avons pas le prétexte de n’être pas préparés. Les évangiles sont le sommet des Saintes Ecritures, les Evangiles sont comme un projecteur qui éclaire tout le reste des Ecritures. Dans les icônes, Jésus est toujours représenté avec le rouleau des Ecritures ou un gros évangéliaire serti de pierres précieuses pour mieux signifier que sa Parole est notre trésor. C’est vraiment là que nous retrouvons Marie, la Mère de Dieu. Laissons-nous interroger par cette Parole, laissons là nous transformer, nous remettre en cause. Et par la prière demandons à la Mère de Dieu de nous éclairer, de nous aider. Comprenons que notre péché est éclairé à la lumière de cette Parole bien plus que par n’importe quelle prescription moralisante. Bref, c’est une invitation pressante à prendre un petit temps chaque jour pour lire les évangiles, pour lire la parole de Dieu, parole de vie, parole de salut, sans oublier de faire la cuisine et tout le reste.

Père Antoine

 

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