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Homélie de Père Antoine, 16 novembre 2014 en l'église saint Basile et saint Alexis - 23ème dimanche après la Pentecôte, Lc VIII,26-39.
La délivrance spectaculaire de démons qu’opéra ici Jésus suscite une double réaction paradoxale. De bonne nouvelle qu’elle devrait être, la guérison du possédé se transforme pour les habitants de la région en mauvaise. Au lieu de fixer leurs regards sur les effets de la puissance de Jésus dans la vie de l’homme autrefois enchaîné, c’est la perte de leurs troupeaux de cochons qui les arrêtèrent.
L’évangile de ce jour est en fait une histoire amusante. Le jeu de relations entre des personnes de cultures différentes… a priori cela doit être source de bien des quiproquos… Un juif n’avait certainement pas le sentiment que les porcs représentaient une réelle richesse pour ceux qui les élevaient et ceux aussi qui les consommaient. La vision est forcément différente. Que les porcs aillent dans la mer, rien à redire pour l’un, un spectacle désopilant, comme des carambolages de voitures, pour l’autre, il voit, effaré, sa fortune, sa subsistance, son emploi disparaître…
Cette scène a le burlesque d’un film muet… avec le comique et le tragique mêlés. Pour nous, personnes du XXIème siècle, c’est encore plus vrai, nous qui percevons l’étrangeté culturelle des uns et des autres… Puis tout retombe dans le calme morne du quotidien avec les gens de cette ville qui prient gentiment Jésus, pour qu’il ne fasse pas de vague, de les laisser vaquer à leur quotidien… Nous sommes comme floués, nous attendions une morale mais rien… Tout retombe dans un quotidien dont le sens a été exclu… Le récit se poursuit, rien n’a eu lieu pourrait-on dire…
Et pourtant, et pourtant… Une énormité a été dite par le possédé… « Que me veux-tu, Fils de Dieu ? » Le Fils de Dieu qui vient, ce n’est pas rien… Il était allé, de lui-même, à la rencontre de Jésus, de la nouveauté, de l’autre qui vient car il savait, de par ses conditions limites d’existence, que le sens existait, il l’attendait, il savait que le sens surgissait de la souffrance, de la remise en cause que produit la souffrance. Il était dangereux pour les autres, et les autres, les normaux, l’avaient parqué vers ce qui n’a pas de sens, le cimetière… loin du centre de fonctionnement de la société, là où on amène ceux qui ne fonctionnent plus…
Repoussé, Jésus n’insiste pas. Il aurait pu, s’il l’avait voulu, comme Jacques et Jean le lui demanderont plus tard à l’égard des Samaritains, utiliser Son pouvoir pour se venger. Mais, contrairement au diable, Jésus ne mettra jamais Sa puissance au service du mal ou de la colère. Il n’est pas venu pour perdre et nuire, mais pour sauver et guérir. Alors qu’il n’aurait rien demandé de mieux, comme Il le fera avec la samaritaine, d’entrer dans cette région où il venait de poser le pied, Jésus, indésirable, se soumet à la volonté des gens du lieu.
A l’autre bout, Luc nous rapporte le désir du démoniaque de rester avec Jésus, désir non exaucé. Car Jésus a mieux, et plus utile, comme mission à lui confier. Si Jésus n’est pas reçu, dans ce territoire, lui en est originaire. Il ne peut donc être refusé par la population. Jésus l’envoie donc à Sa place, pour être Son témoin, là où Il ne peut entrer à cause de la crainte qu’Il suscite. Les termes de la mission donnée à l’ex-démoniaque sont clairs : il doit retourner chez lui pour dire à tous ce que Dieu a fait pour lui. Il s’en acquittera à merveille, témoignant sans s’embarrasser des distinctions théologiques qui allaient secouer l’Occident des siècles plus tard, de ce que Jésus – Dieu avait accompli dans sa vie.
Prenons acte de l’esprit dans lequel Jésus a donné à l’ex-démoniaque la mission d’être témoin pour Lui dans sa région. Il se peut que, comme lui, nous vivions dans un pays, une région, une famille dans laquelle Jésus est indésirable. Quoi qu’on raconte sur Lui, on ne veut pas de Lui !
Si bon soit-il, Jésus, malgré tout, dans un premier temps, fait peur, parfois plus encore, de manière incompréhensible, que les démons ! Peu importe ! Pour autant, Dieu n’est pas à court de moyens ! Si Jésus fait peur, nous, qui avons été touchés par Sa grâce, nous ne le faisons pas ! Aussi, pour ôter cette peur qui n’est pas fondée, Jésus nous envoie vivre au milieu de ceux qu’Il effraie.
Le but est alors clair : par notre vie, notre témoignage, Dieu nous appelle à être les outils par lesquels la peur des autres à l’égard de Jésus pourra être dépassée. Comme Jean le baptiste, mais d’une autre manière, nous sommes envoyés pour préparer et aplanir Son chemin dans les cœurs. Que Dieu, par cette compréhension de notre mission, renouvelle notre enthousiasme de témoin de Christ dans ce monde !
Je viens d’évoquer le grand personnage de Jean le Baptiste, c’est parce que sa mission de ‘préparer le chemin du Seigneur’ (Mc 1, 1-3) en fait une figure extraordinaire pour parler du temps de l’Avent dans lequel nous venons d’entrer depuis hier. L’avent est ce temps d’attente, de préparation à la venue de Jésus notre Sauveur. Noël, c’est le grand moment de l’incarnation où le fils de Dieu, de nature divine vient revêtir notre nature humaine cela pour nous sauver. C’est un moment d’exception qui demande une préparation. Cette préparation se fait dans le désir de cette rencontre, elle se fait dans le jeûne pour ceux qui le peuvent, elle se fait dans la prière et toujours dans une grande charité. Frères et sœurs que vos cœurs débordent de cet Amour.
Amen.